Jan 8 24
Par un arrêt rendu le 22 décembre 2023 (n°20-20.648), l’assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de recevabilité d’une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale.
Les faits
Un salarié a saisi la justice afin de contester son licenciement pour faute grave.
Pour apporter la preuve de cette faute, l’employeur a soumis au juge l’enregistrement sonore d’un entretien au cours duquel le salarié a tenu des propos ayant conduit à sa mise à pied.
Cet enregistrement avait été réalisé à l’insu de l’employé.
La cour d’appel a déclaré cette preuve irrecevable, car l’enregistrement avait été réalisé de façon clandestine.
Aucune autre preuve ne permettant de démontrer la faute commise par le salarié, la cour d’appel a jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation sur le fondement de l’article 9 du Code de procédure civile et de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon lesquels respectivement, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » et « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
Par un arrêt du 22 décembre 2023, la Cour de cassation lui donne raison.
Un revirement de jurisprudence
Auparavant, la position de la Cour de cassation, depuis un arrêt d’Assemblée plénière de 2011, obéissait à une règle : « lorsqu’une preuve est obtenue de manière déloyale, c’est-à-dire lorsqu’elle est recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème, un juge ne peut pas tenir compte de ce type de preuve » (Cass. ass. plén. 7 janv. 2011 n°09-14.316 et 09-14.667).
Mais, par un arrêt rendu le 22 décembre 2023 (n°20-20.648), l’assemblée plénière de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence.
La Cour de cassation admet désormais que des moyens de preuve déloyaux peuvent être présentés au juge dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable. Toutefois, la prise en compte de ces preuves ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse (vie privée, égalité des armes etc.)
L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel. Celle-ci devra vérifier d’une part, que les enregistrements étaient indispensables pour prouver la faute grave du salarié, d’autre part, que l’utilisation de ces enregistrements réalisés à l’insu du salarié ne portent pas une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux.
Source : Cass. ass. plén. 22 déc. 2023, n° 20-20.648