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Nov 12 24

SYNDICAT – Partager les idées d’un mouvement ou la sensibilité politique ne prive pas un syndicat de sa qualité

Si un syndicat agit dans l’intérêt des salariés, il n’y a aucune remise en cause de sa qualité de syndicat, alors même que celui-ci revendique un mouvement ou une sensibilité politique. C’est ce qu’a retenu la Cour de cassation dans son arrêt du 25 septembre 2024.

L’affaire

Un employeur a contesté la qualité de l’« union syndicale des gilets jaunes » (USGJ ), lui permettant de désigner un représentant de section syndicale (RSS) dans son entreprise. L’employeur soutenait 

  • d’une part, que ce syndicat, créé à partir d’un mouvement politique, poursuivait un objet illicite et incompatible avec la qualité de syndicat professionnel ;
  • d’autre part, qu’il ne respectait pas les valeurs républicaines.

Remarque. Si un syndicat n’a pas besoin d’être représentatif afin de désigner un RSS, il doit tout de même avoir constitué une section syndicale, et donc respecter les quatre conditions suivantes au jour de la désignation (C. trav., art. L. 2142-1 et art. L. 2142-1-1) :

  • être légalement constitué depuis au moins deux ans ;
  • satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines, mais aussi d’indépendance et de transparence financière ;
  • son champ professionnel et géographique doit englober l’entreprise ou l’établissement théâtre de la désignation ;
  • et il doit avoir au moins deux adhérents dans cette entreprise ou cet établissement.

Le tribunal judiciaire n’a pas suivi pas ce raisonnement et a refusé d’annuler la désignation. L’employeur s’est donc pourvu en cassation.

La question qu’a eu à trancher la Cour de cassation était la suivante.

Un syndicat dont l’objet serait fortement politique et appelant à des manifestations d’opinions minoritaires et faisant appel à la destitution du président de la République peut-il se revendiquer de la qualité d’un syndicat et de ses prérogatives ?

La Cour de cassation répond par l’affirmative.

La décision

La Cour de cassation rappelle tout d’abord plusieurs principes :

  • la liberté syndicale est protégée par plusieurs textes fondamentaux (Conv. nº 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, art. 2, 3 et 8 ; CESDH, art. 11 ; préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, al. 6) ;
  • les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes salariées mentionnées dans leurs statuts (C. trav., art. L. 2131-1) ;
  • en cas de contestation de la licéité de l’objet d’un syndicat, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite.

Remarque. S’agissant de ce dernier point, que la Haute juridiction a déjà affirmé ce principe au mois de juillet dans une affaire consacrée à l’USGJ, relative au scrutin dans les TPE (Cass. soc., 12 juill. 2024, nº 24-60.173). Elle n’a pas conclu à la licéité ou non de l’union, mais invité les juges du fond à étudier tous les éléments présentés, au regard des actions syndicales de l’USGJ.

La Cour constate ensuite que si le syndicat a bien un positionnement idéologique revendiqué, l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il poursuivrait des buts essentiellement politiques et ne serait que l’émanation d’un parti politique. Elle en déduit que l’objet de l’USGJ est licite et qu’il bénéficie bien de la qualité de syndicat professionnel car il agit dans l’intérêt qu’il considère être celui des salariés, peu important la communauté d’idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par le syndicat.

La notion de « valeurs républicaines » n’est pas définie par les dispositions légales. Il s’agit principalement pour un syndicat de ne pas prôner la discrimination, l’intégrisme ou l’intolérance. En la matière, la Haute juridiction s’attache aux actions du syndicat, plutôt qu’aux mentions figurant dans ses statuts, qui peuvent par exemple faire référence à la lutte des classes et à la suppression de l’exploitation capitalistique (Cass. soc., 25 janv. 2016, n°14-29.308).

En l’espèce, la Cour de cassation estime que « l’organisation ou la participation à des manifestations exprimant des opinions minoritaires ou non-conformistes et l’appel à la destitution du Président de la République ne portaient pas atteinte aux valeurs républicaines ».

Elle rappelle également qu’il appartient à celui qui estime que le syndicat manque à ses valeurs de le prouver, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

En conclusion, la désignation du RSS par l’USGJ est donc validée.

Source : Cass. soc. 25 sept. 2024 n°23-16.941